mardi 10 août 2004

Semaine Fédérale de Cernay

Lundi 9 août 2004 - 5 h 15

" Cocorico, Cocorico ! " : les réveils modernes ont beau faire " cocorico ", ce progrès ne rend pas le réveil plus aisé. Après une nuit passée à même le sol, j'enroule méticuleusement mon duvet en secouant la poussière de terre battue, et le cale dans une des deux sacoches de ma bicyclette. Vélo en main, je sors du spacieux auvent de tente qu'un ami breton m'a généreusement prêté pour la nuit. Pas de vent, mais l'air est frais. A l'Est, une lueur diffuse fait apparaître un ciel dégagé ; c'est bon signe. Tant bien que mal, Stéphanie sort de sa tente. Nous la démontons et, avant de la plier, nous partageons un ultime petit déjeuner dessus. Les étoiles s'éteignent progressivement. C'est déjà l'heure du grand départ. Après 20 jours passés ensemble, grâce au Trait d'union puis à la Semaine Fédérale, nous nous séparons inéluctablement. L'année dernière à Aurillac quand nous avions subi le même genre de scène, un grand sage marseillais a déclaré : " La distance éteint les flammes d'un amour fragile et attise celles d'un grand amour ". Ben voila, un an après Stéphanie repart en Bretagne (en voiture) et…
Bref, cher lecteur, si tu le veux bien, je vais enfin monter sur mon vélo, et te faire grâce de ma vie sentimentale. Je vais donc te raconter mon voyage de retour dans la Drôme, qui, si tout se passe bien, devrait se faire en 2 jours. 6 h 10, le soleil pointe timidement le bout du nez. Je quitte le camping fédéral. Mon porte-cartes est bien rempli (neuf photocopies de cartes A4) : la route sera longue. J'adapte une allure tranquille. Coup d'œil sur le compteur ; ô joie de la technologie, il est en panne ! Ce fainéant n'indique plus que le kilométrage instantané. Jurons en tous genres et divers coups de poing ne parviennent pas à le réparer.
Ce n'est pas sans une certaine émotion que je traverse une dernière fois Cernay. Cap plein Sud, je quitte cette ville avec un vélo peu chargé. Cependant une tonne de bons souvenirs se bouscule déjà dans mon esprit. Quel bonheur ! Oui, quel bonheur de se remémorer un à un les bons moments vécus ici ! Hier matin encore, Cernay était en fête. En effet, entre les maisons à colombages, une foule d'Alsaciens était ébahie face au splendide défilé que leur offraient leurs hôtes.
Sans encombre je suis l'itinéraire tracé par un ami drômois qui a fait le trajet inverse pour venir à la SF. Personne sur les routes. Je suis pépère. Heureux de débuter cette aventure dans de bonnes conditions. Peut-être encore un peu sommeil. Un panneau indicateur me fait sourire : "Bretagne 5". (cf. Cyclotourisme n°528 - Septembre 2004 - page 35). - Balschwiller, oups, la route est barrée sur toute sa largeur. Impossible de passer en vélo, c'est rare. Je jette un coup d'œil sur la carte. L'itinéraire de déviation indiqué est long, trop long. L'air est maintenant bien chaud, je profite donc de cet arrêt pour dévoiler le splendide maillot du Cyclo Club Chabeuillois. Au flair, je fais alors un bon kilomètre de cyclo-cross pour retrouver l'itinéraire. Je remplis ma sacoche de carburants à Saint-Hippolyte.
De la vallée de Dessoubre, se dessine un relief boisé agréable à regarder. Seulement le temps est couvert, tellement couvert que la pluie commence même à menacer. Ho zut, voilà des gouttes ! Comment je vais faire si la pluie s'installe vraiment ? Combien de temps je pourrai tenir sous la pluie avec si peu d'équipement ? Ouf, c'est bon, c'était que 3 gouttes. Je me pose alors sur un gros tronc d'arbre abandonné au bord de la route, pour faire une pause sandwich, et en prépare 2 autres pour la route. C'est alors que passent devant moi les 2 premiers vélos rencontrés de la journée : deux charmantes cyclotouristes hollandaises chargées à bloc. Quelques centaines de mètres plus loin, c'est à leur tour de pique-niquer.
En sortant de la vallée, le temps s'éclaircit et devient idéal pour le vélo. Les paysages du Doubs sont magnifiques ! J'aimerais tellement que Stéphanie en profite aussi. Tous les deux, en tandem, comme à la Semaine Fédérale... Petites routes tranquilles… Je roule sans trop penser... Peu à peu mes paupières sont lourdes, très lourdes… Je lutte contre le sommeil... Et voilà que je me réveille secoué par mon entrée dans la bordure gauche de la chaussée ! Oui, lecteur, c'est un truc de fou ! Ça fait réfléchir ; surtout que c'est la deuxième fois que ça m'arrive aujourd'hui. Maintenant, c'est bon, cet épisode m'a franchement réveillé ; tant mieux car j'ai pas vraiment le temps de faire la sieste. Je passe à Montbenoit, site BCN-BPF. - St-Claude, la cité de la pipe. Dimanche, les cyclos du club de St-Claude transportaient une pipe géante pour le défilé. Sorti de cette ville, accompagné par le coucher du soleil, je monte doucement mais sûrement au Col de la Croix de la Serra : 13 kilomètres d'ascension qui mènent à 1049 m d'altitude. J'aborde la descente et franchis avec jubilation le panneau " Région Rhône-Alpes " ! Il est 21 h 3O. Il fait presque nuit. Assez roulé pour aujourd'hui. Je m'arrête dans un petit village : Belleydoux. Coïncidence, c'est ici que s'arrête le parcours tracé par mon prédécesseur, ayant oublié de prendre du papier toilette… …il n'a pu me passer que la fin de son parcours ! Au bord d'un plateau multi-sports un spacieux cabanon sera mon hôtel pour cette nuit : 9m², sol bétonné, avec un évier et une porte : la classe ! (Un peu dur le lit en béton, mais j'ai dormi comme une souche).

Mardi 10 août 2004 - 5 h 15

Le coq chante ; je me rendors aussitôt pour encore une bonne heure de sommeil. 7 h 20, il fait beau. L'estomac vide, je monte sur le vélo après une longue étude de la carte : j'ai décidé de prendre les grandes routes pour sortir rapidement de ce relief montagneux. Quelques kilomètres plus loin, je fais mes courses pour la journée dans une épicerie-boulangerie.
Dans la vallée, la nationale est heureusement peu fréquentée. En plus, cet itinéraire a aussi son caractère touristique, certes ça ne vaut pas les paysages montagneux, mais c'est quand même impressionnant de voir l'autoroute passer sur des ponts hauts comme une centaine de vélos ! Un groupe de cyclos me dépasse, je demande gentiment si je peux prendre leur roue... L'un d'eux me reconnaît : " on s'est vu tout à l'heure à l'épicerie ", dit-il. On discute un moment puis nos routes se séparent.
Nantua, " L'Appel du Talon " se fait ressentir. J'attends d'être sorti de la ville pour satisfaire à cet appel : je trouve un sol meuble à l'abri des regards et donne alors un bon coup de talon avant de… (Patrick Plaine m'a enseigné cette historique astuce lors d'une concentration " Souvenir Vélocio " au Col de Pavezin (42).) Désolé de te raconter encore un truc comme ça, lecteur ; mais cela n'en valait-il pas le coup ?
J'avale les kilomètres à une allure soutenue, malgré un léger vent de face. Voici venu à 11 h 30, un panneau réconfortant : " Valence bis 147 ". C'est quand même frustrant de ne pas avoir de compteur. Regarde : je peux te dire qu'au kilomètre " j'sais pas combien " j'ai eu l'estomac en bataille, certainement à cause d'une overdose de pain, que j'avais acheté au kilomètre " j'sais pas combien ". Tu vas me dire que je pourrais te donner le nom des villages, mais à quoi bon, ils sont si petits… Bref, je roule encore quelques dizaines de kilomètres avec mon fidèle compagnon de route : un soleil radieux !
Roybon (38) avec sa statue de la Liberté modèle réduit : j'arrive en terrain connu et ça me donne du punch : je gravis en vitesse le Col de la Madeleine, lui aussi en modèle réduit : 493 m. Hum, le temps se gâte drôlement : de gros nuages noirs menacent dans la plaine de Romans : un orage se prépare.
J'arrive dans la Plaine, une bise terrible souffle dans mon dos et bientôt voilà le ciel qui me tombe sur la tête. Des pêches dégringolent de leur arbre avant de s'écraser sur un sol déjà détrempé ! Je décide de stopper ma progression pour ne pas en faire autant ! Heureusement Dame Nature se calme progressivement, j'enfourche alors ma petite reine, fais quelques minutes de pédalo, et traverse la ville de Romans par ses ruelles sympathiques. (Erreur de carto). A Bourg de Péage l'orage est fini. 18 h 30 : Montélier : une famille de cyclo-campeurs est arrêtée au bord de la chaussée. Ils cherchent leur route. Je les accompagne au camping le plus proche, c'est sur ma route, avant de leur conseiller un itinéraire pour le lendemain. Quelle famille ! Ils viennent d'Auxerre et veulent rejoindre la mer d'ici ce week-end. Je savoure les derniers kilomètres avec une vue panoramique sur le Vercors. Je contemple : c'est fou comme je suis content de retrouver mes splendides montagnes ! Et dire qu'hier matin, j'étais parmi les maisons à colombages, hier après-midi dans les forêts du Jura et ce matin dans les Alpes ! Qu'en penses-tu lecteur : avec, qu'y a-t-il de une bicyclette plus beau à faire que des voyages itinérants ?

Quel bonheur !

Sylvain

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