jeudi 14 août 2003

Aventures cartographiques

LE NEZ DANS LA CARTE
Département de la Gironde. Nous roulons en direction de Branne, ville située trente kilomètres à l’Est de Bordeaux. Nous allons
traverser la Dordogne sur un grand pont métallique. Route rouge sur la carte ; la circulation est importante. Heureusement nous la quittons rapidement pour la D122, départementale marquée en jaune. Deux kilomètres plus loin, nous tournons à droite, toujours sur la D122. Mais cette fois elle est « coloriée » en blanc. C’est le symbole d’une faible circulation. Notre itinéraire zigzague au milieu du vignoble de Saint-Emilion. Les vignes sont taillées au cordeau : pas un sarment ne dépasse des rangées. Le bourg de Saint-Emilion est un site BPF (1). Perché sur le coteau, on aperçoit déjà ses maisons. Nous n’avons pas de problème d’orientation.
On coupe une route rouge, puis la voie ferrée, comme sur la carte. Ne pas rire. Il arrive quelques fois que la réalité du terrain ne corresponde pas à la carte !
Saint-Emilion est un site très agréable à visiter. Tôt le matin de préférence. Cela évite la foule des viniphiles. Nous déambulons dans les ruelles pavées, le nez en l’air. Nous allons à pieds. Un peu plus haut, il faudra même porter les vélos pour franchir un escalier. Pas une petite affaire avec les sacoches bien pleines !
D’en haut on a une belle vue sur l’ensemble de la ville. Nous débouchons sur un immense parking. La police fait la ronde en permanence, surveille et verbalise. C’est un autre monde. Nous avons bien fait d’arriver par la petite route blanche !
Toujours le nez dans la carte, nous partons vers le nord. Deux routes se présentent. Nous prenons celle de droite. Un peu plus loin, je m’aperçois que j’ai fait une erreur : il fallait aller à gauche. Une petite route non signalée sur la carte Michelin part dans cette direction. Elle rejoindra sans doute l’itinéraire initial. Nous la suivons. Ici, il n’y a pas de panneaux directionnels. Les seules indications mentionnent cave « ceci » ou château « cela ». C’est un peu juste. Le réseau vicinal est très dense. Mais tout n’est pas marqué sur la carte. J’ai perdu le fil conducteur. Je ne sais plus où nous sommes. Le terrain plat ne facilite pas l’orientation.
Nous arrivons à une route plus importante. Une départementale sans doute ?! Il va bien y avoir un panneau ou une borne avec son numéro. Rien ! Alors il faut utiliser toutes les ressources : dans le Nord-Ouest, on voit un clocher. En général, autour des églises il y a un village ? A l’entrée des villages, il y a des panneaux. Nous mettons le cap sur cet amer. Nous sommes à Néac. Nous pouvons repartir sur de bonnes bases.
Petite pause. J’en profite pour prendre la nouvelle carte. Nous sommes en haut de la 234 et il faut maintenant voyager en compagnie de la 233, celle de l’estuaire de la Gironde. Je retourne toute la sacoche. Mais je ne trouve pas la carte. La tuile !
J’ai du la perdre en route. Je nous vois mal continuer, dans ce pays inconnu, sans carte ? Il va falloir en racheter une. Il est presque midi. Et notre itinéraire qui suit les routes blanches traverse peu de villages susceptibles d’avoir un commerce. Notre seul espoir est St-Denis-de-Pile à l’extrême limite de notre carte. Nous accélérons la cadence. Traversée de la N89 et de la D910.
Deux routes rouges. Il vaut mieux traverser seulement les routes rouges. Voilà St-Denis. Les magasins sont encore ouverts. Cinq minutes plus tard, Michèle sort de la maison de la presse avec deux choses précieuses : une carte routière et une bouteille de boisson fraîche et gazeuse ;
Le cours de l’histoire peut reprendre.

AOÛT 2003 À ST-SAUVEUR-DE-MONTAGUT
J’envisage de rejoindre St-Martin-de-Valamas en suivant l’ancienne voie ferrée qui remontait la vallée de l’Eyrieux. Cela me permettra de rejoindre le Gerbier-de-Jonc. Je dois y retrouver cinq cyclos qui terminent un « mer ? montagne ». Comme c’est du terrain connu, je n’ai pas que ma vieille carte de la vallée du Rhône. C’est encore une « 93 ». Ses plis déchirés attestent d’un usage prolongé et lui confèrent un certain côté vénérable. Il ne faudra l’utiliser qu’en cas de force majeure.
Le cheminement est plutôt facile à suivre. Une voie même déferrée se repère bien dans un fond de vallée. Le revêtement est assez varié : cela va de l’asphalte très lisse au ballast brut de deferrage. Ce dernier revêtement rend ma trajectoire incertaine et me fait râler. Mais cela permet de remonter la vallée de l’Eyrieux à l’écart de toute circulation et par des points de vue renouvelés.
Tunnels, viaducs, pente faible et régulière ; je suis toujours sur la bonne voie. Le chemin fait place, maintenant, à une superbe petite route, du vrai billard. Route ou chemin de fer, ici il est toujours question de billard (2). J’ai un doute ? Mais un peu en amont, un pont métallique à l’architecture ferroviaire me rassure : je n’ai pas déraillé. Km 23. J’arrive à la hauteur du Cheylard.
Le tracé se perd dans les lotisements. J’essaie de rester sur la voie à la pente régulière. Pas évident. Il faut chercher des indices du passé ; ici un mur de soutènement, là un bâtiment de gare avec un quai. C’est toujours bon.
Cela se complique un peu maintenant car la station du Cheylard était une bifurcation : d’un côté le train allait vers Les Nonières
et Lamastre, de l’autre vers St-Martin-de-Valamas et St-Agrève. Je suis en présence d’un viaduc en courbe. Faut-il passer dessus ou dessous ? C’est amusant de chercher sa route sans la « tyrannie » de la carte.
Je choisis d’aller sur le pont. Cela permettra d’avoir une vue d’ensemble de la situation. Confirmation de ce que je pressentais : une petite route, à la courbe régulière, passe sous le viaduc et m’indique la direction. Une balise rouge et blanche de GR confirme.
Nouvelle intersection : à gauche,pente régulière descendante, à droite, pente régulière montante. Je prends à droite. Cela parait plus logique de monter vers St-Martin de-Valamas. Le revêtement de terre battue est très roulant. La vallée est plus encaissée.
Quelques rambardes métalliques confirment mon choix. Le goudron apparaît à nouveau. En contre-bas, une large plate-forme, envahie par l’herbe, laisse supposer que l’on approche d’une ancienne gare. Voilà quelques décennies, un faisceau d’aiguillages
devait envahir ce lieu. Les premières maisons de St-Martin apparaissent.
Je m’imagine entendre le haut-parleur de la station annoncer : « St-Martin-de-Valamas, cinq minutes d’arrêt. Les voyageurs pour
La-Chapelle-sous-Chomérac, Borée, descendent de voiture ».

André

*
(1) BPF : Brevet des Provinces Françaises : six contrôles par département, 540 au total
(2) Autorail Billard : type d’autorail qui circulait jadis sur ce réseau à voie étroite.